Naître d’en haut

Naître d’en haut

« Nul, s’il ne naît d’en haut, ne peut voir le royaume d’Elohim . … » Jean 3
La première naissance se fait par le bas, avec de l’eau, puis la seconde se fait par le haut, avec le souffle, et la parole, eau et air, naître par la bouche qui parle.
Cette deuxième naissance, par le haut, par la parole, par le dit, ouvre le passage vers un avenir non écrit non connu, mais possible où le sujet va être créateur de sa propre histoire.
Le commencement d’un être humain c’est le désir, c’est ensuite la conception par père et mère.   Suivra le projet parental sur cet enfant à naître. Les mots, les sons accompagneront sa maturité utérine et son prénom. Puis vient la parole, en tant que « Je », la naissance de l’intérieur, du commencement.

« Certainement tout homme naît par ses parents, mais s’il n’est pas pour eux c’est qu’il n’est pas d’eux. »  Marie Balmary – Le Sacrifice interdit.
Dans certaines familles, celui qui vient, bébé fille ou garçon, arrive non pour un projet de vie de ses parents mais pour combler dans l’arbre généalogique un manque profond, un deuil inachevé, qui peut aller jusqu’à un trou dans ma mémoire de l’arbre.
Ces enfants là, on tous en commun une caractéristique: ils sont confiés aux grands parents, élevés pendant plus ou moins longtemps par les grands parents pour des raisons diverses:
Fatigue de la mère, travail, maladie, service aussi, d’une grand mère très disponible qui se substitue à la mère pour prendre soin de l’enfant.
Exemple : l’histoire de Jules, confié tout bébé à la garde de ses grands parents paternels, Edgar et Fleur,

Les raisons sont bonnes dans notre cas, la guerre  fait rage et les enfants seront sans aucun doute mieux chez les grands-parents à la campagne, Jules et ses deux petits frères vont donc s’installer à la campagne, chez les grands-parents paternels. Leur grand-père Edgar se fait appeler papa, leur grand-mère Mamère.
Ces grands parents, dans le dire,  vont donc prendre la place des parents de Jules et de ses deux frères, ce qui va provoquer une sorte de pliage transgénérationnel, la génération Jean et Amélie se retrouve effacée de son rang. Car Jean appelant lui aussi son père Papa, devient le frère de ses fils. Amélie, Mamélie, qui porte plus le dénominatif d’une grand mère que d’une mère, aura du mal à trouver sa vraie place, de mère des trois garçons,  d’épouse de Jean et de belle fille de Edgar et de Fleur.
Son beau père qu’elle aussi appelle « Papa » devient son père et sa belle mère, sa mère. Comment cela se passe-t-il alors dans sa relation avec sa mère?
Justement, Jules, le consultant ne sait rien de l’histoire de la famille de cette femme, histoire à ce jour effacée de la mémoire familiale.
Amélie se trouve alors prise dans une inversion du rôle fille/mère/grand-mère, et sœur aussi par ce fait.
Elle se positionne comme la sœur de ses garçons et restera sous l’emprise du pouvoir maternel.
Il en sera de même pour Jean, encombré de ces confusions de fils/frère/père/grand-père, il ne fera pas le métier qui l’attirait et acceptera une activité professionnelle manuelle alors qu’il souhaitait devenir historien.

Jules quant à lui, consulte pour trouver sa place, et réaliser son identité, tente par tous les moyens de refuser l’héritage familial sans comprendre les rouages profonds de ce rejet, qui hante toute sa vie et l’empêche lui aussi d’être heureux dans ses relations amoureuses et dans sa vie professionnelle. De plus, toutes ses tentatives pour devenir père vont échouer.
Dans de nombreux cas comme celui-ci, qui s’écoule sur trois voire 4 générations, on trouve une violence des mères sur les enfants, les siens ou ceux des autres.  F Dolto nous le dit : « le déni d’une génération fait le délire de la génération suivante ».
« Aucune génération n’est capable de cacher des processus psychiques d´une importance particulière à la génération suivante » nous dit Freud dans Totem et Tabous. Dans cet ouvrage, Freud pose la notion de la Loi, c´est-à-dire ce qui est à la base de la transmission de ce qui rend possible la vie dans une société humaine, ce qui nous relie à l’énergie du père.

Un autre cas dont le dénouement est plus heureux car non enkystée dans plusieurs générations,  nous parle des conséquences de ces confusions transgénérationnelles.
Victor est père de deux enfants, marié à Sandra, son couple bat de l’aile et finit par se séparer.
Victor s’installe alors chez sa mère, elle-même séparée, dont il occupe le canapé et installe ses deux enfants dans la chambre qu’il occupait lui-même enfant.  La situation s’installe dans le temps et quelques années passent.
Victor mène une vie de jeune homme, sort avec des amis, joue dans une équipe de rugby et ne rate aucun entraînement ni aucun match.
Sa vie amoureuse est assez terne, mais il ne s’en inquiète pas, il a ses copains de rugby. Quant à sa vie professionnelle, il a obtenu un poste d’informaticien au sein de l’entreprise

 

Noëlle Lamy